Fantastic Mr Fox
Depuis ses débuts, Benjamin Renner affiche un goût certain pour les contes pour enfants. Deux de ses courts-métrages en témoignent : Le Corbeau voulant imiter l’aigle, directement tiré de la fable de La Fontaine, et La Queue de la souris, qui semble revisiter avec audace Le Lion et le Rat, sont tous deux, à leur façon, une porte d’entrée dans le monde décalé de cet homme aux multiples facettes. Un monde où les animaux – surtout les plus féroces d’entre eux – qui ont peuplé les légendes et histoires du soir de notre enfance, ont bien du mal à trouver leur place dans les contes actuels. Pour sa deuxième bande-dessinée, le réalisateur d’Ernest et Célestine continue sur cette lancée et lance un joli pied de nez aux classiques a priori indétrônables.
En effet, Benjamin Renner fait preuve d’une insolence à toute épreuve, même lorsqu’il s’adresse à la jeunesse. Une insolence qui se fait de plus en plus piquante au fil des œuvres, tous médiums confondus, et qui n’a jamais autant brillé que dans Le Grand Méchant Renard. Dans cet ouvrage, il met en scène un renard couard et peu dégourdi, véritable intrus de la chaîne alimentaire qui a bien du mal à se dépatouiller quand il s’agit de se mettre une bonne volaille toute fraîche sous la dent. Ce « satyre roux » ne ferait pas de mal à une mouche, et pour cause : qui d’autre que Grand Méchant Renard serait capable de s’amouracher de sa propre nourriture ? Accompagné par un chien tire-au-flanc, un lapin un peu bêta, un petit cochon fermier, une poule hystérique et un loup désabusé – tout droit sortis du blog personnel de l’auteur -, ce personnage saugrenu fera naître toute une flopée de situations comiques et décalées, à mille lieues des stéréotypes croisés dans les contes et autres récits imaginaires.
Une effronterie qui se retrouve également dans les coups de crayon, notamment grâce aux mimiques et à la gestuelle des personnages, mais aussi dans les dialogues. En plus d’un sens aigu de la mise en images – très certainement hérité du cinéma d’animation -, Renner maîtrise comme personne l’art de la punchline : rarement on aura lu insultes et moqueries si cocasses ! Mais au-delà de cette réécriture aventureuse et de ces graphismes facétieux, Renner sait se montrer incroyablement tendre. Derrière la fourrure rousse se cache en vérité un cœur en or, car Monsieur Renard s’avère être un authentique papa poule ! Devant les tribulations du goupil et de ses trois petits compagnons, impossible de ne pas esquisser un sourire (voire plusieurs) et de ne pas fondre littéralement sous l’emprise de cette histoire attachante, qui prend finalement des allures de fable légère et mignonnette. L’occasion pour l’auteur d’aborder de manière subtile des thématiques actuelles d’importance, touchant notamment à la question de l’identité et la refonte de la cellule familiale traditionnelle.
Dans ce parfait dosage entre impudence et douceur, Renner, l’air de rien, avance à contre-courant des conventions pour créer une oeuvre moderne et surprenante. A l’avenir, on serait alors en droit d’attendre de sa part des productions encore plus culottées, sans pour autant laisser de côté sa sensibilité et sa poésie. L’auteur, infatigable, s’attelle déjà à l’adaptation en court-métrage des aventures pittoresques de Renard. De quoi ravir les petites têtes blondes et les grands enfants qui se seront rués sur ce précieux ouvrage. Déjà récompensé d’un César pour Ernest et Célestine et lauréat du prix Jeunesse au dernier Festival de la BD d’Angoulême, Benjamin Renner est sans conteste un artiste à suivre de près, que ce soit dans le monde de l’animation ou l’univers du dessin. Les grands méchants critiques n’auront qu’à bien se tenir.
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