Née au théatre et à l’opéra, la comédie musicale s’est également imposée au cinéma, constituant quelques-unes des plus grandes œuvres du septième art. Considéré comme le premier film parlant dans une ère où le muet était roi, Le Chanteur de jazz, sorti en 1927, est aussi et surtout un film musical. Faite de numéros de danse, de passages chantés et de situations optimistes – parfois même surréalistes -, la comédie musicale est un bon moyen pour sortir de sa déprime, mais elle emploie surtout les grands moyens pour créer la joie et le rêve. Souvent mésestimé, ce genre euphorique, presque fantastique, a pourtant traversé les âges et est arrivé jusqu’à nous sous des formes plus modernes, plus ou moins empreintes de nostalgie. En cette période estivale, rien de mieux que de (re)voir quelques films musicaux, toutes époques confondues, pour reprendre des couleurs, danser l’amour et chanter la vie.
Chantons sous la pluie (Stanley Donen, 1952) : En nous entraînant dans les coulisses d’un Hollywood qui peine encore à produire des films parlants, ce chef-d’oeuvre de Stanley Donen pose un regard réflexif et humoristique sur la disparition progressive du muet, passage difficile pour les techniciens comme pour les acteurs. Au sein même de l’usine à rêves, le film nous offre surtout un moment de bonheur et d’effervescence : avec ses couleurs chatoyantes, ses chansons inoubliables et son ambiance jubilatoire, Chantons sous la pluie est la comédie musicale par excellence, celle qui remonte le moral en toutes circonstances. Devenu l’un des plus beaux films de tous les temps, Chantons sous la pluie restera encore longtemps ancré dans les mémoires, pour son immersion passionnante sur des plateaux de tournage, pour sa bonne humeur communicative et pour le danseur et chanteur exceptionnel qu’était Gene Kelly.
La chanson à écouter en cas d’averse estivale :
Les Demoiselles de Rochefort (Jacques Demy, 1967) : En France, nul autre que Jacques Demy n’a su perpétuer le genre de la comédie musicale. En gardant les visuels colorés et l’euphorie ambiante des grandes productions hollywoodiennes, le cinéaste y a également apporté beaucoup de réalisme et une certaine mélancolie, pour mieux aborder la vie dans tout ce qu’elle a de nuancé. Entre Peau d’âne, Les Parapluies de Cherbourg et Les Demoiselles de Rochefort, impossible de nier le talent fou de Demy pour orchestrer des numéros musicaux, faire chanter ses personnages en plein milieu d’une conversation et créer l’évasion. La beauté de ce film réside également dans la présence seule de Françoise Dorléac, sœur aînée de Catherine Deneuve décédée à l’âge de 25 ans et qui n’a alors pu tourner que dans une petite poignée de films. S’il nous arrivait de chanter, de danser et de rire devant une comédie musicale, nous apprenons avec Demy à y pleurer aussi.
La chanson pour « aimer la vie, aimer les fleurs, aimer les rires et les pleurs » :
♫ La chanson d’un jour d’été ♫
La La Land (Damien Chazelle, 2017) : Véritable vertige entre la magnificence des grandes comédies musicales hollywoodiennes et le réalisme enchanté de Jacques Demy, La La Land rend parfaitement hommage au genre, par ses décors majestueux, sa musique entêtante et ses numéros de danse menés avec perfectionnisme. Si de nombreux cinéastes tels que Baz Luhrmann ou Rob Marshall s’y sont essayé sans parvenir à convaincre pleinement, Damien Chazelle entre tout bonnement dans l’histoire du cinéma avec ce film empli de nostalgie mais considérablement ancré dans son époque. En mêlant rêves de gloire, difficultés professionnelles et romance déçue, La La Land se pare d’une modernité implacable, faite de compromis et de renoncements, sans oublier de nous rappeler, dans une séquence finale sublime et déchirante, que l’onirisme surpassera toujours la désillusion.
La chanson pour célébrer l’arrivée du soleil :
Phantom of the Paradise (Brian De Palma, 1974) : En pleine période du Nouvel Hollywood, Brian De Palma fait déjà étalage de son amour pour le kitsch, dans ce qui constitue sa première très grande oeuvre de cinéma. En s’inspirant très librement du roman Le Fantôme de l’opéra de Gaston Leroux, De Palma en profite surtout pour poser un regard acéré sur l’industrie du disque et sur toute oeuvre artistique pervertie par les attitudes mercantiles de ses différents créateurs. À coups de split-screen, de séquences musicales désopilantes et de passages d’épouvante (dont la fameuse scène de douche, empruntée au Psychose d’Hitchcock), Phantom of the Paradise expose d’emblée le style de palmien, qui prendra son envol dans ses films suivants tels que Carrie au bal du diable, Blow Out ou encore Body Double.
La chanson à passer en soirée rétro :
Pitch Perfect (Jason Moore, 2012) : Sous ses airs de comédie potache à l’américaine, Pitch Perfect a su donner un bon coup de balai dans le genre de plus en plus désuet du film musical. Avec son groupe de filles décomplexées, son détournement des clichés habituels croisés dans les films adolescents et ses « mash-up » de chansons contemporaines, Pitch Perfect est devenu le film culte de toute une génération. En redonnant ses lettres de noblesse au chant a cappella dans des séquences au montage électrisant, le film n’en oublie pas non plus de créer un véritable attachement pour ses personnages (Becca, Chloe et « Fat Amy » en tête), que l’on retrouvera avec bonheur durant les deux volets suivants. Si un peu de plaisir coupable se glisse encore au visionnage de ce film déjanté, c’est pourtant une affection réelle qui anime tous les fans, qui retourneront souvent chanter en chœur avec les Bellas.
La chanson à chanter autour d’un feu de camp :
The Rocky Horror Picture Show (Jim Sharman, 1975) : Considérablement mésestimé au moment de sa sortie, The Rocky Horror Picture Show a su se constituer une armée de fans au fil du temps, au point de devenir aujourd’hui un film musical incontournable. Avec son ambiance excentrique, ses numéros musicaux débridés et ses personnages loufoques, le film s’affirme comme une véritable parodie de films d’horreur et de science-fiction, plongeant au fur et à mesure de son avancée dans une absurdité délicieuse. Derrière les costumes en cuir et les déhanchés diaboliques, nous retrouvons l’excellent Tim Curry, dans la peau du docteur Frank-n-Furter, double exubérant du très célèbre Frankenstein, et Susan Sarandon dans l’un de ses premiers grands rôles au cinéma. Devant ce film audacieux et décomplexé, il y a bel et bien de quoi rugir de plaisir !
La chanson pour calmer ses ardeurs saisonnières :
♫ Touch Me ♫
Across the Universe (Julie Taymor, 2007) : Encore méconnu une décennie après sa sortie, Across the Universe a pourtant tous les atouts d’un grand film. Engagé politiquement, parfaitement réalisé et musicalement sans fausse note, le film met en scène le destin de Jude et Lucy, deux jeunes amoureux en prise avec les révolutions culturelles et pacifistes qui ont eu lieu dans les années 1960. Parsemé de moments musicaux forts en émotions et de reprises magnifiques de chansons des Beatles – Let it be en version gospel, un Hey Jude plus mélancolique que jamais et un While my guitar gently weeps électrisant -, Across the Universe nous conte une très belle histoire d’amour avec beaucoup de délicatesse et un sens aiguisé de la tension dramatique, en plus de confirmer les deux acteurs passionnants que sont devenus Evan Rachel Wood et Jim Sturgess.
La chanson à écouter en savourant quelques fruits rouges :
Sing Street (John Carney, 2016) : Quand on est adolescent et que l’on aime s’habiller comme Robert Smith, on peut aussi prétendre à devenir héros de film musical. C’est le cas de Conor, un jeune lycéen dublinois plongé dans le contexte des années 1980. Confronté à la crise économique, au divorce de ses parents et au conservatisme de son école religieuse, le jeune garçon choisit la musique pour s’évader, mais surtout pour séduire Raphina, une mystérieuse orpheline aux yeux azur qui rêve de devenir mannequin. En s’inspirant des chanteurs de l’époque, notamment Duran Duran, The Cure, David Bowie et A-ha, Conor monte son groupe, grâce auquel il finira par se trouver lui-même et suivre son propre chemin. Dans ce film musical extrêmement attachant, l’irlandais John Carney fait de la chronique adolescente un magnifique morceau de rock, tantôt révolté, tantôt mélancolique.
La chanson à écouter étendu sur le sable fin :
♫ A Beautiful Sea ♫
Grease (Randall Kleiser, 1978) : Tous les fans de films musicaux sont passés au moins une fois par les couloirs de Rydell High, ont vibré pour l’histoire d’amour entre Sandy Olsson et Danny Zuko et ont dansé au rythme du titre dynamique You’re the one that I want. Véritable film culte des années 1970 et immense succès mondial, Grease est l’un de ces « films doudou » que l’on aime revoir de temps en temps, ne serait-ce que pour revivre nos années lycée façon fifties et chevelures gominées. Dans ses décors délicieusement rétro, Grease nous donne surtout l’image d’une jeunesse insouciante, simplement préoccupée par ses histoires de cœur, ainsi qu’une vision idéalisée d’une époque déjà magnifiée chez George Lucas, dans le très beau film American Graffiti. À la fois nostalgique et empreint de modernité, Grease aura surtout ouvert la voie à une nouvelle génération de films musicaux, parmi lesquels se trouvent Footloose et Dirty Dancing.
La chanson pour raconter ses souvenirs estivaux :
Le Magicien d’Oz (Victor Fleming, 1939) : Devenu une institution outre-Atlantique, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, Le Magicien d’Oz peut paraître aujourd’hui un peu vieillot ou complètement farfelu. Pourtant, son univers magique et ses bons sentiments sont bel et bien aptes à séduire toutes les générations. Accompagnée d’un épouvantail sans cervelle, d’un robot sans cœur, d’un lion sans courage et de son petit chien Toto, la jeune Dorothy explore le pays d’Oz pour rencontrer son magicien, qui pourra la ramener chez elle, au Kansas. Derrière ses allures de conte initiatique, cette grande production hollywoodienne se penche en fait sur le désastre économique qui a touché les agriculteurs à la fin du XIXe siècle aux États-Unis. Bricolé magnifiquement avec les moyens de l’époque, hyper-coloré, peuplé de singes volants, de gnomes et de sorcières plus ou moins gentilles, Le Magicien d’Oz est un parfait remède contre la morosité, gonflé d’excentricité et de fantaisie.
La chanson à écouter en admirant les couleurs du ciel :
♫ Over the Rainbow ♫
Bonus track : Rien que pour le plaisir de voir Gene Kelly danser en compagnie de Jerry, la souris du fameux dessin animé, le film Escale à Hollywood, réalisé par George Sidney et sorti en 1945, vaut le détour. On peut aussi y voir Frank Sinatra jeune et y glaner quelques tuyaux vestimentaires pour briller en croisière :
J’en ai vu cinq. Très bonne liste !
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Article parfait 😍 merci pour ces beaux conseils !
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Je vais chercher à en découvrir (sing street notamment)
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Très bon programme qui me donne déjà des fourmis dans les jambes. néanmoins, j’ai très envie de pousser la note cet été avec « Mariaaa » dans la « West Side Story » de Robert Wise. 🙂
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Très bel article Emilie. Il faut absolument que je vois La la Land .. oui je sais j’ai un peu de retard 😉 j’adore le « chantons sous la pluie », un classique. Belle soirée Emilie, @très vite 🙂
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Je ne connaissais pas ce numéro de Gene Kelly. Ça fait ma journée! Merci 🙂
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