Crazy Ex-Girlfriend (saison 1) ~ Rachel Bloom

Comme des clés pour mieux appréhender notre existence, de nombreuses séries comiques choisissent l’humour pour adoucir et aborder des sujets plus sérieux, souvent inhérents à des situations de la vie quotidienne. Ainsi, usant toutes d’un ton cocasse et décomplexé, The Mindy Project dépeint les différentes étapes d’une relation amoureuse, Roseanne évoque la difficulté à élever des enfants avec très peu de moyens et Parks and recreation promeut la persévérance et l’esprit d’équipe au sein d’un environnement professionnel souvent hostile. A son tour, Crazy Ex-Girlfriend, sous ses airs de comédie musicale romantique un peu délurée, recèle en réalité des thématiques profondes susceptibles de confronter le spectateur à ses propres démons.

Diffusée sur The CW depuis la fin 2015, Crazy Ex-Girlfriend détonne dans la programmation habituelle de la chaîne américaine, où cohabitent des séries assez adolescentes et généralement axées fantastique telles que SupernaturalThe Vampire Diaries ou encore The 100. Rien de tout cela dans Crazy Ex-Girlfriend, qui s’affiche au premier abord comme un programme coloré et musical, où il sera surtout question de quête amoureuse et de péripéties comiques. Menée par la pétulante Rachel Bloom – une ancienne youtubeuse qui rejoint ici le cercle de plus en plus ouvert des femmes de télévision -, la série revendique un humour résolument décalé et indubitablement réflexif, où se mêlent des dialogues savoureux et des détournements de numéros musicaux (difficile d’oublier les rythmes entêtants et les textes parodiques de The Sexy Getting Ready SongSex With a Stranger ou encore Textmergency). Dans le rôle principal de l’exubérante et un peu paumée Rebecca Bunch, Rachel Bloom entend surtout renverser les codes de la comédie romantique grâce à un drame sous-jacent qui permet de faire naître l’émotion et l’attachement aux personnages.

Car sous ses airs enjoués et libérés, Crazy Ex-Girlfriend aborde en fait des thèmes beaucoup plus sombres. Rebecca est en réalité une jeune femme plongée en pleine crise de nerfs, assommée d’antidépresseurs et tyrannisée par une mère vénale qui l’oblige à suivre un parcours professionnel tout tracé. Le jour où elle croise Josh Chan, son amour de jeunesse, dans les rues grisâtres de New York, Rebecca y voit l’occasion de changer de vie : poussée par une publicité qui lui parle vaguement de bonheur, elle part s’installer à West Covina en Californie, pour reconquérir le cœur du jeune homme et accéder à cette félicité tant convoitée. Mais ce déménagement sera le commencement d’une série de déceptions : accompagnée par sa nouvelle collègue et amie Paula qui doit faire face au délitement de son mariage, Rebecca découvrira que West Covina n’est pas la ville idyllique qu’elle imaginait, que Josh est en fait fiancé à une créature de rêve et qu’il est surtout loin d’être un homme mûr et responsable. Mais Rebecca n’entend pas renoncer si facilement et jouera des pieds et des mains pour concrétiser son projet de bonheur chimérique, quitte à se bercer d’illusions et à cultiver des obsessions dangereuses pour elle et son entourage.

La dépression, le capitalisme, les traumatismes de l’enfance ou encore l’idéalisation de l’être aimé s’invitent alors dans cette série finalement complexe, qui n’a pas peur d’aborder des thèmes rarement croisés dans un programme comique. La force de Crazy Ex-Girlfriend réside alors dans sa capacité à distiller, l’air de rien, son essence tragique dans un grand bol de bonne humeur communicative. Sous les fanfreluches et les sourires, le programme parvient en fait à explorer en creux un mal-être généralisé en mettant en scène des personnages aux failles proches des nôtres. Malgré l’ironie de son titre souvent mal comprise, Crazy Ex-Girlfriend revendique aussi son féminisme : la série fait effectivement montre d’une volonté d’ouvrir à un large public un discours qui entend diffuser cette idée que la femme est un être humain comme les autres, qui se doit de répondre à des exigences sociales par des moyens souvent extrêmes.

S’il a le mérite d’interroger le spectateur sur sa propre définition du bonheur, le programme ne le fait pourtant pas avec didactisme mais bel et bien d’une façon ludique et divertissante. On ressort alors du visionnage de cette première saison remplis d’empathie pour Rebecca et sa nouvelle bande d’amis, remontés à bloc devant tant d’audace scénaristique et pleins d’interrogations sur la suite de cette aventure qui s’annonce éminemment humaine. La folie, la mélodie mais aussi le réalisme perspicace de Crazy Ex-Girlfriend nous donnent alors envie de refaire un tour du côté de West Covina pour une deuxième saison, qui a débuté aux Etats-Unis depuis le 21 octobre 2016.

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