Shaun le mouton ~ Mark Burton

There’s no place like home

Shaun le mouton n’est pas né de la dernière pluie. Apparu pour la première fois dans un épisode de Wallace et Gromit intitulé Rasé de près, l’intrépide Shaun a également eu le droit à sa propre série télévisée. Rien de plus naturel donc, pour cette figure emblématique des studios Aardman, d’être enfin une vedette sur grand écran. Une valeur sûre pour les studios britanniques, spécialisés dans l’animation en pâte à modeler, quelque peu en perte de vitesse depuis Mission Noël et Pirates, bons à rien mauvais en tout.

Notre héros cotonneux favori a en effet permis à Aardman Animations de renouer avec leurs débuts. Les aventures champêtres de Shaun et de ses compagnons ne vont pas sans rappeler celles de Ginger, petite poule rousse en mal de liberté héroïne de Chicken Run, et celles de Wallace et Gromit, où l’inventivité et le burlesque faisaient bon ménage. Enfermé dans une routine réglée à la seconde près, Shaun est épuisé par sa vie à la ferme et rêve de vacances bien méritées. Il élabore ainsi un plan pour écarter son maître de ce tableau morose et enfin faire ce qu’il lui plaît. Mais tout ne se passe pas comme prévu, et Shaun se voit contraint de partir dans la Grande Ville à la recherche du fermier, en compagnie de ses camarades un chouïa encombrants.

Par rapport à la vie paisible mais ennuyeuse que menait Shaun à la campagne, le monde urbain se montre éminemment plus chaotique. Il ne fait pas bon être un mouton en pleine ville et toute la petite troupe doit se plier aux règles impitoyables de cet univers nouveau. Vêtements obligatoires, bonnes manières, nourriture sophistiquée : difficile de se fondre dans la masse quand nos papattes sont habituées aux herbes fraîches et au grand air (surtout quand on est un mouton !). A travers les péripéties vécues par nos petits campagnards, une critique de notre société actuelle pointe le bout de son nez. Là où la cupidité des hommes était mise en avant dans Chicken Run, à travers les deux horribles Mr et Mrs Tweedy, Shaun le mouton s’attaque à notre époque. Il montre une humanité totalement contaminée par Internet et la culture du buzz, grâce à ce personnage d’acteur narcissique aux obsessions toutes capillaires.

Les gags s’enchaînent à une vitesse folle, montrant tantôt le côté inadapté de ces animaux perdus sur le bitume, donnant lieu à un humour burlesque délicieux, tantôt l’amour fou qui lie Shaun au fermier qui l’a vu grandir. C’est bien ici que réside la force du film : sans le moindre mot, simplement par l’image, Shaun le mouton parvient à dépeindre l’intensité des émotions, comme le ferait un Chaplin ou un Keaton. L’absence totale de parole laisse parfois place à de purs moments de grâce : parmi eux, la séquence où Shaun et ses amis, désespérés de ne pas réussir à ramener leur maître à la maison, entonnent en coeur le titre Feel Like Summer de Tim Wheeler.

Par ce parti pris de mise en scène déjà exploité par la série télévisée, Shaun le mouton apparaît pourtant comme plus enfantin que ses aînés. L’ironie et la noirceur présentes dans Chicken Run sont ici bien peu conséquentes pour pouvoir remuer un spectateur adulte et la créativité peine à dépasser les inventions farfelues de Wallace et de son fidèle compagnon. Pourtant, le film a au fond la même problématique que ses prédécesseurs : comment trouver le bonheur quand notre vie est régulée au milimètre près ? Car au milieu du dynamisme ambiant et d’une mignonne drôlerie, Shaun nous dit surtout qu’il n’y a pas de meilleur endroit pour être heureux que là où se trouve notre famille. Home is where the heart is.

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