Malkovich Emotions
Oeuvre d’un cinéaste allemand méconnu, Casanova Variations a le mérite de surprendre. Dans ce film hybride et imparfait, à la fois drôle et tragique, Michael Sturminger présente le mythe du plus grand séducteur au monde en mêlant les modes de représentation. Par un brillant exercice de style, Casanova Variations traverse l’opéra et le théâtre, devant le public du Théâtre Sao Carlos de Lisbonne, en passant par le cinéma, où les personnages s’animent devant nous, spectateurs déboussolés. Et celui que nous sommes venus admirer, tout comme le public diégétique, c’est bien évidemment John Malkovich.
Car Casanova Variations est bien moins un film réflexif qu’une ode à cet acteur immense. Du haut de ses soixante ans, John Malkovich est venu prouver que son charme n’a pas pris une ride depuis ses débuts. Dans la peau d’un Casanova au soir de sa vie, l’acteur séduit toujours, si bien que sa magnificence se fond avec celle de son personnage. Casanova touche les cœurs d’une femme se faisant passer pour un homme, d’une adolescente de 14 ans, d’une jeune fille de toute évidence émoustillée par son grand âge, ainsi que d’une femme mûre qui tente de lui résister. Malkovich, lui, attire tous les regards : celui des actrices qui l’accompagnent sur scène, celui des femmes présentes dans la salle (qui avoueront que la perruque lui donne un attrait tout particulier), celui d’une jeune médecin qui confessera avoir eu son premier émoi sexuel devant Les Liaisons dangereuses, et évidemment, le nôtre, nous qui sommes assis là à boire ses paroles et à nous laisser porter, sans mal, par son jeu si intense.
Et dans ces paroles théâtrales, tantôt solennelles tantôt grivoises, celle que nous retenons est la suivante : “Nous ne devrions jamais connaître un homme totalement.” Là est bien le message que veut nous faire passer Malkovich : alors que ses admiratrices l’assaillent de questions sur sa sexualité (“Etes-vous gay ?” “Est-ce vrai que vous avez couché avec deux sud-africaines lesbiennes ?”), Malkovich préfère garder le mystère et continuer d’entretenir son propre mythe. Car au final, ce qui nous fascine chez celui dont on se souvient comme l’interprète de Valmont chez Stephen Frears, c’est bien cette modestie et cette timidité apparentes qui ne cessent de détonner avec les personnages si volages qu’il incarne à la perfection. Continuez donc à cultiver votre jardin secret, cher John, et nous serons éternellement vôtre.